Propos recueillis par Hervé Queillé Après Volkswagen, Renault est suspecté de truquer ses moteurs pour qu'ils respectent les normes pollution. Bruno Haas (ci-contre), ingénieur et consultant automobile, affirme que tous les constructeurs trichent sans tricher.
Renault a-t-il triché ?
Renault fraude dans le sens où il se contente de piéger les oxydes d'azote produits par ses moteurs. C'était également maladroit d'empêcher la presse de s'informer sur la réalité des perquisitions. Mais il ne fraude pas si on considère que ce procédé lui permet de respecter les normes. Le problème est que les cycles de mesures, utilisés depuis plus de 30 ans, et les normes actuelles sont beaucoup trop éloignés des conditions d'utilisation réelle. Les constructeurs conçoivent des voitures, plus pour respecter le cycle que pour un usage classique du véhicule. Du coup, quand on mesure l'émission de polluants et la consommation en conditions réelles, on en est loin. On peut donc dire que tout le monde triche. Le problème est qu'entre un automobiliste qui conduit avec mesure et un autre qui fait fumer ses pneus au feu rouge, on passe de 100 g de CO2 au km mesurés au banc à 400 g en réalité.
Va-t-on enfin rapprocher les cycles de mesures de la réalité ?
La démarche est engagée. On est en train de passer du test NEDC, au test WLTC, plus exigeant. Par ailleurs, des discussions sont engagées pour un REDC (Real emission driving cycle), plus proche des conditions réelles d'utilisation. Dans ce cadre, un certain nombre de constructeurs militent pour que soit pris en compte le bilan carbone « from well to wheel », du puits à la roue ; c'est-à-dire des matières premières jusqu'au véhicule fini, utilisé et recyclé. Un mode de calcul qui prend en compte, par exemple, le CO2 rejeté pour la fabrication de l'électricité et du recyclage des batteries d'un véhicule électrique ou hybride. Cette prise en compte montre que, étonnamment, le bilan carbone d'un véhicule hybride comme la Toyota Prius est moins bon que celui d'une Peugeot 308 diesel !
Sera-t-il difficile de respecter ces normes plus réalistes ?
Question de coût. Un constructeur comme PSA y est proche. Ses moteurs sont conçus pour produire le moins possible d'azote à la base. Ce n'est pas un hasard si Carlos Tavares a confié à l'ONG américaine Transport&Environment le soin de définir un protocole de tests pour mesurer en usage réel les consommations et rejets de polluants de ses voitures, pour le printemps 2016. Le P-DG de PSA a pris de l'avance. C'est une bonne méthode pour faire évoluer le problème et rétablir la confiance des consommateurs.