Zakaria RAMHANI: " De gauche a droite entre calligraphie arabe et dessin contemporain"

1983

Born in Tangier, Morocco

Lives and works in Tangier and Montreal

Ramhani a l’art d’écrire un visage avec sa langue maternelle. Il developpe les contours, dilue la forme, crée la chair, approfondie le regard, règle la posture et construit l’expressivité de ses personnages avec l’écriture arabe. Le portrait devient discours plus ou moins cohérent pour les arabophones et se transforme en secret indéchiffrable pour les non-arabophones. Son cou est-il l’extrait d’un livre? Son front est-il marqué d’actes de révolte? Y-a-t-il un proverbe ancien entre ses lèvres? Sa joue est-elle gonflée de poésie? Ses yeux sont-ils des capsules d’actualités? La seule évidence au tableau, c’est qu’aucune de ces parties anatomiques n’est constituée d’une sourate du Coran. Zakaria refuse de telles retranscriptions du livre sacré des musulmans. Entre les conséquences de l’invention de l’écriture pour les civilisations et Allah qui n’a pas de visage, Ramhani crée un univers identitaire singulier entre l’Islam et l’Autre.

Avec De droite à gauche, l’artiste revendique à la fois la part d’incompréhension entre soi et l’Autre, entre soi et son Autre et entre soi et l’art (autant pour les spectateurs que pour l’artiste). Pour investir sa pensée et sa sensibilité dans De droite à gauche, il devient désormais facultatif de savoir lire ou même de connaître l’arabe pour le spectateur. La preuve, c’est que Ramhani lui-même ne peut relire tous les passages écrits ayant servi à la construction de cette suite de visages sans nom fixe. D’abord dessiné d’après miroir, le portrait se forme et se transforme ensuite au contact de la lettre. Ramhani s’approprie la technique du dessin, propre à l’histoire de l’art occidentale, puis y ajoute des éléments identitaires, culturels et linguistiques que l’Autre ne comprend pas forcément. Ramhani ravale le dessin dans un geste pulsionnel et alimente une tension entre la veine narrative et formelle. Comme en territoire de guerre, l’action du geste brouille les pistes et déstabilise les consciences. Les éléments ne sont plus exclusivement littéraires, narratifs, figuratifs et formels mais s’annulent dans la confrontation et la désinvolture. De droite à gauche poursuit ainsi le déplacement artistique de l’endroit et de l’envers du monde…

Enfin, à l’ère récente de l’histoire de l’art, où la peinture et le dessin renouvellent et revendiquent leur place en parallèle et en lien avec les médiums liés aux nouvelles technologies, Ramhani donne la preuve, avec De droite à gauche, que la peinture exige et stimule aujourd’hui de nouveaux questionnements face à l’art et à son rôle dans la société.