En aout 1917, après trois années passées dans les tranchées, Louis, jeune vendéen de 23 ans, est amputé de quelques orteils. Vers la fin sa convalescence, il reçoit un courrier officiel. Il est déclaré inapte temporaire et est affecté comme lecteur dans une commission du contrôle postal aux Armées. Lui qui a subit la boue, les poux, le froid, l'horreur, le sang et les gaz, se retrouve dans un bureau à ouvrir plusieurs centaines de lettres par jour. Il y traque les propos antipatriotiques, les signes de fraternisation avec l'ennemi, le défaitisme, les critiques contre les supérieurs et le gouvernement, caviarde les idées pacifistes. Le Tigre, le grand Clémenceau n'a-t-il pas dit qu'il voulait la guerre jusqu'au bout. Mais à quel prix ?
La paix. Combien de jours, de semaines, de mois et d'années, Louis l'avait espérée, attendue ! Une paix victorieuse la plupart du temps mais, certains jours, même une paix blanche ou boiteuse aurait convenu pourvu qu'elle le sorte de cet enfer.
Le jeune homme va lire et devoir censurer toutes les lettres qui expriment la souffrance et la détresse des camarades restés au front. Il ne peut s'empêcher de penser à son camarade, son frère de tranchée, Fernand presque remis de ses blessures et dont le retour au front est inéluctable. Pour les poilus, Louis est devenu un « embusqué », un « planqué». Mais peut-on rester indifférent à ces cris de désespoir, ces coups de noir (cafards sans fond) de ces miséreux surtout quand on a été l'un des leurs ? La présence de Blanche, séduisante jeune femme venue le remplacer pour taper les rapports hebdomadaires, ne fera qu'accentuer le fossé qui sépare maintenant Louis d'une vie normale tant espérée. La vie peut-elle redevenir normale après ce qu'il a vécu, quand on a été touché physiquement, psychologiquement comme lui ?
La vie tranchée – Ciel, quel titre ! - est un récit poignant et d'une sobriété bienvenue, au ton juste, sans misérabilisme. Les personnages y sont attachants (sauf l'horrible et fanatique Henri Pageot). Ce qui rend cette histoire encore plus bouleversante est qu'elle est entrecoupée de citations de lettres authentiques de poilus, de lettres saisies à l'époque ou dont certains passages étaient cités dans les rapports.
C'est une lecture à rapprocher, selon moi, pour la justesse du propos et le rendu de toute cette souffrance avec La chambre des officiers de Marc Dugain, de Cris de Laurent Gaudé ou bien La peur de Gabriel Chevallier, que Bénédicte des Mazery cite en début d'ouvrage ou bien du Chemin de âmes de Joseph Boyden. Et je mets au défi quiconque de ne pas être touché, marqué par la lecture des courriers de ces hommes que l'on tue une seconde fois en censurant leurs mots. Les Louis, Fernand, Jo Soubire, Théophile et tous les autres vous accompagneront un long moment après cette lecture.
A lire absolument.
Dédale
Extrait :
Tandis que l'officier rejoignait le président Grillaud et le commandant, il se reposa la question intérieurement. Oui ou non, aimait-il se qu'il faisait ? Lire la correspondance des autres, pénétrer sans leur accord dans leur vie intime, violer leurs pensées secrètes... faire un boulot de « salaud d'embusqué » comme on disait au front. Louis n'en savait rien et, momentanément, il renonçait à connaître la réponse. Il reprit sa lecture interrompue.
C'est avec tristesse que nous envisageons de passer un quatrième hiver dans les tranchées. On nous avait tellement dit que le précédent serait le dernier. Allons, je me tais ou je vais prendre un sérieux coup de noir. Cordiale poignée de main de ton camarade Léon.
L'an dernier, Louis avait vécu son troisième hiver de guerre. Un froid de tous les diables les tenait les uns contre les autres, appuyés contre la terre glacée, silencieux. Puis, à moins de cent mètres de là, les Allemands qui leur faisaient face s'étaient mis à leur parler comme s'ils étaient dans un salon. Louis entendait encore la voix de ce soldat au fond de sa tranchée : « Guerrre finie, messieurs, guerrre finie. » Chaque matin, durant plusieurs jours, l'homme avait répété avec son accent qui accrochait les r : « Ne tirrrez pas, guerrre finie. » On était en décembre 1916 et tout le monde n'avait plus qu'une idée en tête : que la guerre finisse, tout de suite, par n'importe quel moyen. Lorsque Gaston était monté à l'échelle et avait tiré droit devant lui en hurlant « Ta gueule, le Boche ! Ta gueule ! », l'Allemand s'était tu mais les copains avaient eu du mal à empêcher le Français et ses cent dix kilos de muscles de quitter la tranchée. Finalement, Gaston s'était calmé et on n'avait plus jamais entendu le Boche.
La vie tranchée de Bénédicte des Mazery - Éditions Anne Carrière - 364 pages
Commentaires
mardi 30 mars 2010 à 19h35
Bonjour Dédale,
Le livre supporte-t-il vraiment la comparaison avec "Le Chemin des Ames", et "La Peur" ?
Ces deux-là sont tellement au-dessus du lot commun, à mon goût, aussi bien dans leur exceptionnelle qualité d'écriture, que dans l'imaginaire pour Boyden, et dans la relation de la réalité pour Chevallier, que je redoute la déception.
Sylvie
lundi 5 avril 2010 à 11h42
Sylvie, ce livre supporte la comparaison avec les autres titres mentionnés dans le fait qu'il aborde cette Grande guerre par un point de vue non habituel et que le ton utlisé par l'auteur y est tout aussi juste. Mais je suis tout aussi d'accord : Le Chemin des âmes et La Peur sortent évidemment du lot.
mercredi 7 avril 2010 à 08h52
Merci Dédale, de cette confirmation. Je vais chercher le livre !
Sylvie
mardi 26 octobre 2010 à 15h11
Bonjours , je lus le livre , et j'ai un questionnaire dessus , mais il y a une question qui me pose problème : - quel sont les personnages historique de se livre ?
J'ai trouve George Clemenceau , mais je n'est point trouve les autres pouriez-vous m'aider s'il vous plait ?!!
Merci beaucoup d'avance
dimanche 5 décembre 2010 à 14h25
Très joli livre en effet, mais en revanche, vous devriez, cher Dédale, rajouter des renseignements sur l'auteur du roman.
dimanche 5 décembre 2010 à 15h09
Marg, je ne peux répondre - même tardivement - à la question. J'ai depuis bien longtemps rendu l'ouvrage à la bibliothèque. Mais si vous avez lu ce récit, la réponse devait être facile à trouver.
Elyphis, peut-être mais est-ce que cela apporterait beaucoup plus ?
dimanche 6 mars 2011 à 14h39
il faut avoir lu le livre pour savoire les personnages je les c'est tous il est trop bien ce livre au moin sa montre la réalité de c'est pauvres poilus au front
mercredi 26 octobre 2011 à 15h17
Quels sont les personnages de se livre ? que sait-on d'eux ? vous pouvez me parler de ce livre s'il vous plaît ? ( le résumer , évènements importants ... )
mercredi 26 octobre 2011 à 18h33
Marie Dubois, comme l'a écrit Technod70, il faut avoir lu le livre pour connaitre les personnages. Leur histoire en vaut vraiment la peine. Revenez nous raconter ce que vous en avez pensé. A bientôt
jeudi 3 novembre 2011 à 17h21
ce livre est géniale on entre dans l'histoire dés la première live c'est une histoir passionante
mercredi 4 janvier 2012 à 12h04
Personnellement, j'ai adoré ce livre. Et ces commentaires là sont bien vrais, je pense que c'est en effet peu propable de ne pas être ému, touché, ou ne serait-ce qu'intrigué par cette histoire, vraiment très bien faite et pensée. Cependant, dans la version que j'ai eu à lire, certaines passages étaient coupés et je trouve ca regrettable.
jeudi 31 mai 2012 à 21h20
Ce livre est si bien que ça ? J'en ai entendu parler presque par hasard quand il a fallu que je fasse mon Histoire Des Arts et tous les sites sur lesquels je suis allée ne tarissent pas d'éloges à son sujet. Mais est-ce qu'il vaut vraiment la peine d'être acheté ? Ce n'est pas trop mon genre de livre, habituellement, car je suis principalement dans la Fantasy. Mais j'aime beaucoup lire ? Je risque d'être déçue ?
jeudi 31 mai 2012 à 21h23
Je voulais mettre : "j'aime beaucoup lire." avec un point, désolée.
vendredi 22 mars 2013 à 12h56
Plongée dans le monde de l'horreur totale pour y découvrir que les malheureux acteurs, héros et victimes,vont être broyés autant moralement que physiquement par cette guerre mondiale qui n'en finit pas.
De plus, à l'arrière, ils se savent espionnés", fliqués à cause de leurs commentaires, lus et souvent censurés, à l'évocation de leurs remarques, de leurs prières, face à cette boucherie.
C'est aussi une lecture crue pour nous rappeler que toute cette folle violence accompagnée de bravoure, tous ces valeureux sacrifices, toutes ces douleurs inhumaines endurées par ces hommes. Mais aussi, rapporte-t-elle, celles des populations civiles. Avec en conclusion, de cette épopée sanglante, il demeure de ne pas oublier que beaucoup trop, sur l'autel de la Patrie en danger, de ces Hommes ont été immolés en vain. En effet, qu'en est-il advenu de cette Victoire vingt ans plus tard?
mardi 25 novembre 2014 à 17h34
Ce livre est superbe une pure merveille